Vos fantasmes sexuels – Première partie
Ils ne sont probablement pas ce que vous croyez
Êtes-vous de ces millions de personnes qui ont lu la trilogie d’E. L. James, Fifty Shades of Grey? Si ce n’est pas le cas, permettez-moi de vous dire qu’elle fait drôlement parler d’elle, ce qui n’est pas peu dire. Des milliers de femmes – et, oui, quelques hommes – admettent ouvertement être excitées par son contenu sexuellement explicite et sadomasochiste. Certaines personnes affirment même que ce livre a contribué à améliorer leur vie sexuelle autrement ennuyeuse!
Comme on peut s’y attendre, ce roman de James soulève la controverse (S’agit‑il de littérature, d’érotisme, de pornographie? Ce roman devrait-il être vendu en librairie? Qu’est-ce que son énorme lectorat nous révèle sur la sexualité des femmes?). Étant donné l’attention médiatique que reçoit ce livre, j’ai pensé ajouter mon grain de sel et écrire à mon tour une trilogie à propos des fantasmes sexuels : que représentent-ils, quand faut-il les partager et quand deviennent-ils problématiques?
Commençons donc par exposer quelques faits concernant le monde mystérieux et complexe de l’imaginaire sexuel.
1. Les fantasmes sexuels ne sont pas forcément des scénarios élaborés.
Lorsque je demande à mes clients s’ils ont des fantasmes sexuels, il arrive souvent qu’ils ne réalisent pas qu’effectivement ils en ont, que les idées qui leur viennent à l’esprit lorsqu’ils sont stimulés sexuellement constituent un fantasme. Et en effet, tout ce qui est pensée ou image qui attise notre excitation et notre désir sexuel fait partie des fantasmes. Cela peut varier d’une simple image (une poitrine, un sourire) à un long métrage au scénario complexe; un fantasme peut être sexuellement explicite ou encore ne comporter aucun contact corporel (par exemple, se mettre en scène lors d’un souper romantique, s’imaginer les conversations qu’on tient et les regards qu’on échange). Se remémorer une rencontre sexuelle plutôt torride constitue aussi un fantasme; et il n’est jamais interdit d’y ajouter quelques détails de notre cru pour rendre l’image encore plus torride!
2. Le fantasme sexuel relève de l’imaginaire, il ne constitue pas une scène que l’on voudrait nécessairement vivre.
Tout comme le fait de simplement penser à envoyer promener son patron sans vraiment le faire peut être soulageant, la plupart de nos fantasmes sexuels ne sont pas des expériences que l’on voudrait réellement vivre. La réaction que suscite ce roman de James nous informe que de nombreuses femmes (et hommes d’ailleurs) sont excitées à l’idée de se soumettre à une personne dominante et d’être forcées à avoir une relation sexuelle. Toutefois, la plupart de ces femmes (sinon toutes) ne voudraient jamais réellement vivre cette expérience. Elles se sentiraient alors probablement plus violentées qu’excitées. Dans le fantasme, nous maîtrisons du début à la fin ces interactions qui se déroulent dans notre esprit. Par conséquent, ce qui peut éveiller notre désir en pensées peut tout aussi bien l’éteindre dans la vraie vie.
3. Tout comme les rêves, les fantasmes sexuels ne doivent pas être pris au pied de la lettre, il faut plutôt en découvrir la symbolique.
Mes clients ressentent souvent de la culpabilité ou de la honte à cause de la nature de leurs fantasmes sexuels ou se sentent troublés par ces derniers, car ce qui éveille leur désir dans leur imaginaire sexuel est en contradiction avec ce qu’ils sont ou leurs valeurs.
Les femmes qui sont allumées par une relation sexuelle dominant/soumise telle que décrite dans le roman vivent peut‑être un conflit intérieur, car cette idée vient confronter leur objectif d’atteindre l’égalité des sexes dans leur relation avec un homme. Mais en explorant la signification profonde de ce fantasme, elles pourraient découvrir que ce qui fascine dans la soumission sexuelle c’est qu’elle représente l’occasion de se laisser aller et de s’abandonner totalement au plaisir.
Prenons en exemple le président d’une grande compagnie : cet homme, qui dirige des centaines d’employés, passe ses journées à prendre des décisions importantes. À la fin de journée, il est probable que l’idée d’une femme qui lui donne du plaisir en le dominant lui procure un certain répit. Dans son fantasme, il se donne accès au plaisir sans prendre aucune responsabilité et s’évade des pressions de la vie quotidienne. Il laisse sa partenaire s’occuper de tout et n’a qu’à se laisser aller, ce qu’il ne se permet peut‑être pas dans la vraie vie ou dans ses relations.
4. Les fantasmes peuvent répondre à des besoins émotifs
Nous avons tout le temps recours à notre imagination pour répondre à des besoins de nature non sexuelle : on peut s’imaginer en train de se faire ensoleiller sur une plage lorsqu’on a besoin de se détendre, ou encore en train de passer le fil d’arrivée lorsqu’on a besoin de se motiver pour courir un marathon.
Les fantasmes sexuels peuvent jouer le même rôle : ils peuvent répondre à des besoins tant physiques qu’émotifs. Par exemple, de nombreuses femmes doivent absolument se sentir désirables pour avoir envie de faire l’amour. Ainsi, le fait de s’imaginer au lit avec plusieurs hommes peut à la fois nourrir leur estime personnelle et leur procurer ce sentiment d’être irrésistibles. De son côté, un homme dont la femme est plutôt passive sexuellement peut éprouver un certain réconfort par rapport à sa performance en s’imaginant avoir une aventure avec une femme énergique et qui s’exprime lors de leurs ébats.
5. La clause d’exclusivité ne s’applique pas dans le monde imaginaire.
Avoir des fantasmes à propos d’une personne autre que votre conjoint ou conjointe ne veut pas nécessairement dire que vous être insatisfait de votre vie sexuelle, ou que vous envisagez de sauter la clôture. La plupart des gens fantasment sur le fait d’avoir des relations sexuelles avec une autre personne que leur partenaire, (qu’elle soit réelle, imaginaire ou encore anonyme), mais continuent à avoir envie de leur bien-aimé(e).
Notre imaginaire érotique se construit tôt dans notre vie (en général lors de l’adolescence) et peu de changements surviennent par la suite dans la nature de ce qui nous excite. Notre monde intérieur érotique fait donc partie du bagage que nous apportons lorsque nous entrons en relation. Ainsi, si votre partenaire avait des fantasmes de grosses poitrines ou d’hommes en uniformes avant de vous rencontrer, il y a de fortes chances que ces fantasmes soient toujours une source d’excitation et de plaisir pour lui ou pour elle.
En plus, dans le monde des fantasmes, rien ne vous empêche d’avoir une aventure avec votre voisin ou voisine tout en restant fidèle, pourquoi s’en priver!
6. Le monde du fantasme nous permet de repousser les frontières personnelles, sociales et culturelles.
Ce qui dicte les comportements dans notre monde réel n’est pas nécessairement applicable dans notre monde imaginaire érotique. Par l’intermédiaire de notre imagination, nous pouvons facilement repousser les limites de certaines notions culturelles comme celles de la féminité et de la masculinité, de l’orientation sexuelle ou encore de ce qui est considéré comme décent ou indécent. Une femme peut choisir d’être agressive sexuellement, tout comme un homme peut choisir d’être vulnérable ou passif, et des fantasmes d’homosexualité ne doivent pas mener à un examen en profondeur de la véritable orientation sexuelle d’une personne.
Le monde des fantasmes nous permet, par exemple, d’oser et d’avoir une aventure avec une personne inconnue dans un endroit public sans courir le risque d’être arrêté, violenté ou de contracter une ITS. Les différentes facettes de notre personnalité peuvent s’y exprimer en toute confiance, une personne réprimée sexuellement peut devenir une diablesse désinhibée, tout comme le plus timide et maladroit des hommes peut se transformer en un Casanova confirmé.
Et vous, qu’est-ce que vos fantasmes vous révèlent?